C'est dans la salle Michel Boko de l'École doctorale pluridisciplinaire « Espace, culture et développement » de l'Université d'Abomey-Calavi ce mercredi 19 mars 2025. Natif de Bopa, cet homme aux multiples casquettes a effectué un parcours remarquable avant d'en arriver là.
Féru de littérature et des belles lettres, après des études de droit, et après être passé tout près de la carrière d'avocat, fort de sa Maîtrise en Droit, l'impétrant s'est tourné vers le journalisme et la communication. Diplômé d’honneur en journalisme, il va ajouter à sa Maîtrise en droit des affaires et carrières judiciaires, deux Masters professionnels : un Master en communication politique et autre Master en gestion des ressources humaines, option communication institutionnelle. Fort de cette solide formation, Luc Fernand Kpelly s'est lancé dans un doctorat en Information et Communication.
Lors de sa soutenance, il a présenté les résultats de son travail de recherche, qui met en lumière les relations complexes entre la presse béninoise et les autorités publiques durant la période 2006-2016. Selon ses conclusions, « la presse béninoise, courant 2006-2016, s'est refusée à jouer son rôle de quatrième pouvoir en se rendant complice des pouvoirs financiers et forces politiques, en particulier l'Exécutif, par le jeu d'une connivence prononcée avec ces derniers ».
Une analyse minutieuse des causes de cette connivence
Son analyse démontre que les difficultés structurelles et les pressions politiques ont entravé l'indépendance des médias béninois et influencé la production d'informations durant cette période trouble. « La précarité des entreprises de presse et les mauvaises conditions de vie et de travail des professionnels des médias du Bénin en sont les causes majeures », a-t-il expliqué à l'assistance.
Luc Fernand Kpelly a en effet passé de longues heures à décrypter les mécanismes qui ont conduit la presse béninoise à s'éloigner de son rôle de contre-pouvoir. Ses recherches l'ont notamment amené à s'entretenir avec de nombreux acteurs du secteur médiatique, des journalistes de terrain aux dirigeants de groupes de presse.
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« J'ai constaté que la précarité économique était un facteur déterminant. De nombreux médias ont dû composer avec des difficultés financières importantes, les poussant parfois à accepter des compromis avec le pouvoir en place pour assurer leur survie » détaille le nouveau docteur.
En parallèle, il a aussi mis en évidence l'influence grandissante des pouvoirs politiques sur le fonctionnement des rédactions. « Certains médias ont été instrumentalisés, voire directement contrôlés par des groupes d'intérêts proches du gouvernement. Cela a inévitablement biaisé leur traitement de l'information », regrette-t-il.
Le rôle du président Boni Yayi pointé du doigt
Parmi les éléments clés qui ont contribué à cette situation, Luc Fernand Kpelly pointe également le rôle joué par l'ancien président Thomas Boni Yayi. Selon lui, le chef de l'État en place durant la période étudiée avait développé une « méthode de gouvernance » s'appuyant fortement sur les médias.
« Boni Yayi accordait une place prépondérante aux médias dans sa stratégie politique. Il n'hésitait pas à les utiliser pour relayer sa communication et asseoir son image. Cette emprise du pouvoir exécutif sur l'information a inévitablement fragilisé l'indépendance de la presse », analyse Luc Fernand Kpelly.
Ses travaux mettent ainsi en évidence les conséquences désastreuses de cette instrumentalisation des médias par les autorités. « Au final, les citoyens béninois ont été les grandes victimes de cette situation. Privés d'une information pluraliste et indépendante, ils n'ont pas pu jouer pleinement leur rôle de contre-pouvoir », déplore le nouveau docteur.
Un jury unanime sur la qualité scientifique du travail
Face à ces constats sans appel, le jury chargé d'évaluer la thèse de Luc Fernand Kpelly n'a pas manqué de saluer la rigueur de son approche et la pertinence de ses conclusions. Présidé par Okri-Pascal Tossou, Professeur titulaire en Lettres modernes à l'Université d'Abomey-Calavi (UAC), ce jury d'experts nationaux et internationaux a unanimement reconnu la valeur scientifique du travail présenté.
« Nous avons été impressionnés par la méthodologie employée par le candidat et la solidité de son argumentaire », a notamment déclaré Jean-Euloge Gbaguidi, Professeur titulaire en Sciences de l'Information et de la Communication, rapporteur de la séance.
Maxime da Cruz, Professeur titulaire en Sciences du langage et de la communication et Recteur honoraire de l'UAC, a pour sa part souligné « la qualité rédactionnelle et la structuration du document, qui témoignent d'un travail de recherche approfondi ».
Après délibération, le jury a donc décidé d'attribuer à Luc Fernand Kpelly le grade de « Docteur en langage et en Information et Communication avec la mention « Très honorable à l’Unanimité des membres du Jury » saluant ainsi l'excellence de sa prestation.
Un parcours exemplaire dans le domaine de la recherche
Au-delà de cette thèse brillamment soutenue, le parcours de Luc Fernand Kpelly témoigne de son engagement de longue date dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur au Bénin.
Outre ses activités universitaires, le nouveau docteur a en effet occupé diverses fonctions dans le secteur médiatique, notamment en tant que Directeur de publication du journal « Le Progrès », Chef de département presse écrite à l'UPMB (Union des professionnels des médias du Bénin) et Directeur des études dans plusieurs instituts de formation en journalisme dont l’ISMA et l’ISSIC.
Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages sur les médias béninois, dont « Fautes et incorrections dans la presse béninoise », publié aux Éditions Le Flamboyant, et auteur de deux articles scientifiques. Un travail de vulgarisation et de réflexion critique qui témoigne de son expertise dans ce domaine.
Avec cette thèse de doctorat, Luc Fernand Kpelly apporte une contribution majeure à la compréhension des enjeux liés à la liberté de la presse au Bénin. Son analyse détaillée des relations entre médias et pouvoirs publics constitue un outil précieux pour penser les réformes nécessaires afin de permettre à la presse béninoise de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir.
Un défi de taille, tant les pressions exercées sur les médias restent importantes dans le pays. Mais Luc Fernand Kpelly semble bien armé pour relever ce défi, fort de son parcours exemplaire et de sa détermination à redorer le blason de la presse béninoise.
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