Lors de la première audience mardi 12 mars 2025, les deux accusés ont été longuement entendus. Codjo Cossi Alofa, le présumé assassin, a notamment affirmé avoir été "mis en scène" par des hommes en uniforme pour reconnaître les faits, avant de se rétracter. Il a raconté comment il aurait été approché en prison par un officier du nom de Prince Alédji, qui lui aurait demandé d'endosser la responsabilité du meurtre de Dangnivo. Alofa affirme avoir été également promis 25 millions FCFA et une protection s'il acceptait.
De son côté, Donatien Amoussou, accusé de complicité, a expliqué comment il s'est retrouvé impliqué dans cette affaire. Il a affirmé avoir été convoqué par le colonel Sévérin Koumassègbo, alors chef de la sécurité du président, qui lui aurait demandé de remettre le téléphone portable de Dangnivo à la radio Océan FM, contre la somme de 500 000 FCFA. Amoussou dit avoir refusé cette proposition.
Ce mercredi 12 mars 2025, le tribunal entendra des témoins clés de cette affaire, notamment l'ex-officier de police Prince Alédji, cité par l'accusé Codjo Cossi Alofa. Des ex-ministres au moment des faits seront également entendus comme témoin. Le verdict de ce procès tant attendu devrait apporter un éclairage décisif sur cette affaire devenue presque une affaire d'État.
Rappel des faits
Urbain Pierre Dangnivo, un cadre du ministère des Finances, avait mystérieusement disparu dans la nuit du 17 au 18 août 2010. Sa voiture, une Audi 80 blanche, avait été retrouvée abandonnée. Ce n'est que des jours plus tard que l'enquête policière avait permis d'interpeller Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou, soupçonnés d'être impliqués dans la disparition du fonctionnaire.
Après de nombreuses années de procédure, le tribunal a finalement décidé de rouvrir le dossier en 2018 pour complément d'enquête. C'est aujourd'hui que les audiences reprennent, avec l'audition prévue des témoins clés de cette affaire.
10 heures 11 minutes : ouverture de l’audience
À l'ouverture de l'audience, le président de céans a annoncé que trois experts sont attendus pour cette journée, deux Béninois et un Français. Le juge a indiqué que l’audience de ce mercredi 12 mars 2025 ira au-delà de 18 heures 30 minutes. Ensuite, le tribunal annonce l’audition des témoins clés. Les témoins qui sont là sont : Séverin Koumassegbo, ancien chef de la sécurité présidentielle, l'ex ministre de l'éducation, Bernard Lani Davo et l’officier de police républicaine, Enock Laourou
L’ex-chef du renseignement béninois entendu comme témoin
10 h 23 min : Le premier témoin est convoqué à la barre. Il s'agit du sieur Enock Laourou, l’officier était gendarme au moment des faits. En 2010, il est chef service renseignement Cotonou 2 au et son bureau se trouve au niveau du port de Cotonou. En 2015, il est directeur général du renseignement béninois quand Alofa s'évade de prison. Aujourd'hui, il est contrôleur général de police républicaine. Le tribunal veut l'écouter en tant que témoin. Le juge lui demande de prêter sermen t. « Je le jure », va-t-il promettre. « Comment avez-vous appris l’affaire Dangnivo », lui demande le magistrat. « Je ne sais vraiment rien. J'ai appris comme tout le monde par voie de presse qu'il y a eu disparition », a-t-il déclaré au sujet de la disparition de Dangnivo.
L’officier raconte ensuite au tribunal un épisode de 2012 qu'il présente comme une présumée tentative d'évasion de l’accusé Alofa. « J'ai vu qu'il y avait des policiers et des militaires qui se débattaient autour d'un gars qui tentait de fuir (parlant de Alofa) », affirme l’officier de police républicaine. L’officier de police républicaine indique qu'il avait pensé à un soulèvement des hommes en uniforme avant de se rendre compte que c'était Alofa qui tentait de s'évader. Selon sa déposition, ce jour-là Alofa aurait frappé un colonel avant de tenter de prendre la poudre d'escampette.
Cette version de l’ex-patron du renseignement béninois a été contestée par l’accusé Donatien Amoussou qui estime que c'était lui ce jour-là et non l’accusé Alofa. «Je vais m'évader comment ? Comment je vais m'évader alors que j'étais menotté. Il n'y a eu aucun soulèvement », a déclaré l’ex-militaire Donatien Amoussou. De cet épisode, Donatien Amoussou confie que le gendarme Laourou Enock est intervenu avec trois autres gendarmes pour venir à l’aide du Colonel qu'il a tabassé et qui appelait à l’aide. « Il est venu avec trois gendarmes. Quand il a voulu me prendre, les militaires ne sont pas opposés. Ils m'ont mis dans la malle arrière. Dans la voiture, il a parlé couramment le mina. C'était un plan où il était quelque part pour m'achever », ajoute Donatien Amoussou.
Devant le tribunal, Donatien Amoussou accuse l’officier de police républicaine de mentir. Mais Enock Laourou affirme qu'il ne connait pas l’accusé Donatien Amoussou. « C'est la troisième fois qu'on se voit. Lui et moi, on se connait très bien. C'est faux, il est juste en train de mentir », va répliquer Donatien Amoussou.
Lors de l’audience du mardi 11 mars 2025, Codjo Alofa a déclaré que des personnalités lui apportait des cadeaux en prison. À la question du président de savoir si l’officier Enock Laourou en faisait partie, la réponse de Alofa est catégorique : « Il ne fait pas partie de ceux qui apportent les cadeaux ».
Dans sa déposition, Donatien Amoussou raconte également un autre épisode de cette affaire et qui date de l’année 2013. Le présumé complice de l’assassinat de Pierre Urbain Dangnivo confie qu'un jour des gendarmes du GIGN sont venus l’extraire de sa cellule de la prison civile de Missérété pour l’amener aux services de renseignements chez Enock Laourou. Arrivée chez Enock Laourou, Donatien Amoussou affirme que ce dernier lui a demandé d'endosser la responsabilité de l’assassinat de Pierre Urbain Dangnivo. L’accusé affirme avoir rejeté l’offre. Face à son refus, Donatien Amoussou déclare au tribunal qu'il a été placé en isolement pendant 62 jours à la prison civile de Missérété. « Tout est faux », répond Enock Laourou.
Les questions du tribunal tournent ensuite sur l’évasion de Codjo Alofa en 2015
10 h 40 min : Procureur pour Laourou
Est-ce que vous connaissez le numéro qu'il a utilisé (Alofa)
Laourou : On a surveillé son numéro pour savoir où il est allé. Il a fait un appel et on a su qu'il est au Togo.
Alofa : « On utilise de portable en prison ? Il sait où j'allais. Je n'ai pas de portable en prison. »
Partie civile pour Enock Laourou
Maître Zinzindohoué : En 2012 est-ce que Alofa constituait une menace pour l'État ?
Enock Laourou alors Directeur des renseignements béninois en 2015 : « J’ai pris des initiatives pour aider à le retrouver. On n'avait pas intérêt à le laisser partir. Je n'ai pas fait de rapport à mon chef. Nous contribuons à rechercher toute personne qui s'évade.»
Avocat : Est-ce que vous avez recherché d'autres détenus qui se sont évadés
Enock Laourou : « J'en ai pas fait d'autres mais s'il y en avait eu d'autres, je le ferais », répondant à la question du Maître Zinzindohoué cherchant à savoir si les renseignements ont contribué à rechercher d'autres personnes qui se sont évadées.
Comment les renseignements béninois ont eu le numéro de téléphone togolais de Alofa ?
Enock Laourou : Le service utile est d'avoir son numéro et de le ramener. Il a été localisé pour une première fois dès le lendemain de son évasion. Ensuite, il s'est déplacé et cela a pris quelques jours pour le récupérer. Dès qu'ils l'ont récupéré, « ça a pris deux jours pour le remettre à l'interpol béninois »
Alofa : Arrivé à Hillacondji, j'ai pris le numéro d'une dame et j'ai appelé la famille. Ensuite j'ai acheté ce numéro et le téléphone à 12000f. C'est ce numéro qu'ils ont tracé. À Lomé, j'ai changé de carte sim. Le 12 mars 2015, je me suis rendu moi-même à la police togolaise et je leur ai demandé de me remettre à la justice béninoise et non à la police béninoise.
Alofa : Ceux qui m'avaient fait évader ont porté des cagoules.
Après son extradition du Togo, Alofa raconte que 58 gardes corps issus de la sécurité présidentielle restaient avec lui tout le temps en prison.
De cet épisode, son avocat Maître Théodore Zinflou s'en souvient également. L’homme de droit fait savoir au tribunal qu'on lui a assigné deux sergents quand il a voulu rencontrer son client, à qui il a été commis d'office. L’avocat affirme s'être opposé et s'être plaint au Procureur général.
Un expert français confirme que les restes du corps retrouvés chez Alofa sont ceux de Dangnivo
14 heures 05 minutes : L'audience est reprise après une heure de suspension. Après la reprise, c'est Guillaume Monique, un expert français et médecin légiste qui est convoqué à la barre. Le Français est intervenu par visioconférence devant le tribunal de Cotonou. L’expert est convoqué pour livrer les conclusions de ses analyses de contre-expertise sur les restes du corps humain retrouvés chez l’accusé Alofa à Womey en 2010. Ce sont ces restes humains qui ont été présentés comme le corps du disparu Pierre Urbain Dangnivo.
Cette contre-expertise a été réalisée à la demande de la famille de Dangnivo. Ces contre-expertises concernent des prélèvements effectués sur des parties du corps retrouvé ( prélèvements anatomiques, prélèvements tissulaires, prélèvements sanguins) ainsi que des enfants de Pierre Urbain Dangnivo et des membres de sa famille. Selon les résultats de cette contre-expertise, les restes du corps retrouvés sont parentés à 99,99 % aux membres de la famille Dangnivo notamment ses enfants.
Le ministère public ainsi que la partie civile ont interrogé l’expert sur ses résultats. Il a précisé que ce pourcentage permet d'affirmer que le corps présenté comme celui de Dangnivo est parenté à sa famille. Quand le tribunal lui a demandé de confirmer si les résultats étaient celui de Dangnivo, il est affirmatif sur le profil ADN entre celui des restes du corps et ceux des membres de la famille Dangnivo. Il confirme que c'est bien le corps du disparu Pierre Urbain Dangnivo.
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