En l'espace de 24 heures, deux piliers historiques de l'influence française en Afrique, le Tchad et le Sénégal, ont annoncé mettre fin à leurs coopérations militaires stratégiques avec Paris. Ces décisions illustrent la remise en cause grandissante du rôle de la France sur le continent africain, confrontée à de profondes évolutions géopolitiques.
La fin d'un ancrage français au Tchad
Le Tchad a longtemps été considéré comme un bastion imprenable de l'influence française en Afrique. Depuis l'indépendance en 1960, la France y a maintenu une présence militaire continue, avec la base aérienne 172 de Fort-Lamy notamment, devenue un élément central du dispositif français au Sahel.
Mais ce partenariat historique vient d'être brutalement interrompu. Le gouvernement tchadien a annoncé jeudi 28 novembre 2024 un "tournant historique" dans l'affirmation de sa "souveraineté pleine et entière", mettant fin à la présence de près d'un millier de soldats français. Un coup dur pour Paris, qui voyait le Tchad comme le dernier point d'ancrage dans cette région stratégIque du Sahel, après les retraits forcés des troupes françaises au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
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Cette décision intervient dans un contexte de diversification des alliances sécuritaires du Tchad. Le pays s'est notamment rapproché ces derniers mois de la Hongrie et de la Russie, deux puissances qui cherchent à étendre leur influence en Afrique. Un troublant rapprochement qui semble avoir joué un rôle déterminant dans le revirement anti-français de N'Djamena.
La fin d'un partenariat historique au Sénégal
Au Sénégal aussi, la France doit faire face à un revers cinglant. Le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a été on ne peut plus clair : "La souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires" étrangères, y compris françaises. Une déclaration qui sonne comme un coup de grâce pour la présence militaire française dans ce pays pourtant considéré comme l'un des plus stables et francophiles d'Afrique.
Cette décision intervient dans un contexte politique particulier. Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, tous deux portés au pouvoir sur la base d'une vive critique des "ingérences étrangères", avaient jusqu'alors hésité à s'attaquer frontalement à la présence française. Mais une fois la majorité parlementaire acquise, ils ont franchi le pas, sans doute pour rassurer leur électorat.
La France dépassée par les évolutions géopolitiques en Afrique
Ces revers au Tchad et au Sénégal s'inscrivent dans un mouvement plus large de remise en cause de l'influence française en Afrique. Paris fait face à un double défi : d'un côté, le retrait forcé de ses troupes du Sahel, de l'autre, le durcissement des positions de pays partenaires historiques comme le Tchad et le Sénégal.
Cette évolution traduit en réalité un profond changement des équilibres géopolitiques sur le continent africain. Confrontés à de nouvelles menaces sécuritaires, les pays africains cherchent à diversifier leurs alliances, s'ouvrant à de nouveaux partenaires comme la Russie, la Chine ou la Turquie. Une dynamique à laquelle la France peine à s'adapter, malgré ses tentatives de renouveler son approche en Afrique.
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Au-delà des considérations sécuritaires, c'est aussi la question de la souveraineté et de l'affirmation identitaire des États africains qui est en jeu. Des pays comme le Tchad et le Sénégal entendent désormais faire valoir leur indépendance face à l'ancienne puissance coloniale.
Malgré tout, la France n'a pas totalement fermé la porte au dialogue. Les dirigeants africains ont laissé entrevoir la possibilité "d'explorer de nouvelles formes de partenariat". Mais Paris devra sans aucun doute revoir en profondeur sa stratégie pour regagner la confiance de ses anciens alliés.
Commentaires
François
Analyse pertinente
13-12-24 à 08:50