La date du lundi 06 décembre 2021 restera inoubliable pour Joël Aïvo dans son parcours politique. Ce jour-là s’ouvrait son procès devant la CRIET à Porto-Novo, la capitale administrative du Bénin. Si l’universitaire Aïvo s’est engagé en politique pour prétendre défendre la démocratie béninoise, il n’avait jamais imaginé se retrouver devant cette juridiction spéciale située dans sa ville natale. Car, entre la politique et les amphithéâtres de droit de l’Université d’Abomey-Calavi, il y a bien une différence. Et malheureusement !
Autour de la CRIET, les partisans de l’ex-doyen de la FADESP se sont rassemblés en masse pour attendre leur idole. Une seule espérance dans leurs cœurs : que Joël Aïvo rentre libre de la CRIET. Un peu avant 08 heures 20 minutes, le fourgon de la prison civile de Cotonou amène Joël Aïvo devant la CRIET.
L’universitaire salue ses partisans et monte l’escalier pour rejoindre la salle d’audience de la CRIET. Malgré ses huit mois de détention, l’opposant est resté élégant. Paire de lunettes aux yeux, Joël Aïvo avait porté un pantalon bleu nuit et une chemise blanche sur laquelle il avait mis un gilet de la prison civile.
Pléthore d’avocats et joutes oratoires
Autour de 09 heures, le lundi 06 décembre 2021, le procès de l’opposant et de ses coaccusés s’ouvrent. C’est le procureur spécial de la CRIET, le magistrat Mario Mètonou qui représente le ministère public. Une femme préside la Cour. C’est la magistrate Christelle Adonon. Elle a remplacé le juge Guillaume Lally qui avait connu du dossier Aïvo lors d’un premier procès en juillet 2021.
Blanchiment de capitaux et atteinte à la sûreté. Ce sont les deux chefs d’accusation retenus par le parquet spécial contre Joël Aïvo et ses coaccusés. Il s’agit de son comptable, Alain Gnonlonfoun, d’un chef d'entreprise et ex-militaire, Boni Saré Issiakou et d’un adjudant de l’armée béninoise, Ibrahim Bachabi Moudjaïdou. Tous les accusés plaident non-coupables.
Une pléthore d’avocats venus des barreaux du Bénin et de la France se constitue pour défendre l’Universitaire et son comptable. Parmi ces avocats figurent l’ex-président de la Cour constitutionnelle du Bénin, Me Robert Dossou et sa fille Me Nadine Dossou-Sakponou. Les joutes oratoires entre la défense et l’accusation seront très houleuses lors de ce procès qui va durer près de 15 heures.
Une affaire d’atteinte à la sûreté de l’État
Lors de ce procès, le ministère public a essayé d’établir un lien entre l’opposant Joël Aïvo et les prévenus Boni Saré Issiakou, ex-militaire et chef d’entreprise et Bachabi Moudjaïdou, un adjudant de l’armée béninoise. Boni Saré Issiakou a reconnu avoir participé à un projet de tentative de « déstabilisation » à la demande d’un proche. Il a confié aux juges avoir été approché par un homme d’affaires. Ce dernier a pour nom Arnaud Houédanou.
L’homme d’affaires aurait essayé de financer le projet de déstabilisation, mécontent d’un redressement fiscal. Des déclarations qui ont été niées par Bachabi Moudjaïdou, un militaire en fonction à l’hôpital des armées de Ouidah.
Devant les juges de la CRIET, il a rejeté les faits de coup d'État et d'escroquerie mis à sa charge par le parquet spécial de la CRIET. Le militaire avait affirmé qu’il n’avait aucune accointance avec des acteurs politiques dont le professeur Joël Aïvo.
« Je ne connais aucun politicien. Boni Sarè Issiakou m'a remis 115.000 FCFA », a-t-il déclaré. « Mon frère Boni Sarè Issiakou m'a dit qu'il voulait mon treillis pour l'escroquerie. Sans hésiter, je lui ai remis ma tenue. Il m'a appelé que je peux venir chercher ma tenue et je lui ai dit que ce n'était pas possible et qu'après les élections, je vais les reprendre et comme ça, le 10 avril 2021, on m'a arrêté. Je n'ai jamais joué aucun rôle dans ce projet. Aucun », avait-il déclaré.
Aïvo nie les faits et parle de procès politique
Autour de 17 heures 15 minutes, le lundi 06 décembre 2021, l’Universitaire Joël Aïvo a été le dernier accusé à faire sa déposition lors de ce procès. "J'ai attendu très longtemps pour pouvoir répondre à vos questions, madame la présidente.", avait-il déclaré.
L’opposant a nié devant les juges tous les faits de blanchiment de capitaux et d’atteinte à la sûreté de l’État mis à sa charge par le parquet spécial. " Je n'ai vu le sieur Arnaud Houédanou qu'une seule fois dans ma vie. Les deux autres coaccusés, Boni Saré Issiakou et Ibrahim Bachabi Moudjaïdou, je ne les ai vus que lors du déferrement à la CRIET. Dans ce dossier, j'ai toujours dit la vérité. Mais les juges ont écrit ce qu'ils veulent. (...) Madame la présidente, sortez-moi une seule preuve de mon implication dans ce dossier", avait-il contesté.
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Devant les juges, Joël Aïvo a dénoncé un procès politique. "Je ne suis dupe de rien. Je suis poursuivi pour avoir incarné une alternative démocratique pour mon pays. Je suis poursuivi pour avoir préparé une candidature indépendante capable de provoquer l’alternance au sommet de l’État. Et la violence du traitement qui m’est infligé depuis le 15 avril 2021 est à la hauteur du signal fort que le régime actuel veut lancer à quiconque sera tenté par une candidature crédible et non contrôlée par le régime. Mais la brutalité de l’injustice qui me frappe de plein fouet suffira-t-elle à dissuader, demain, dix (10) millions de Béninois de s’engager pour la défense de leur pays et surtout nourrir des ambitions pour leur pays ? J’en doute fort”, avait-il dénoncé.
Lourde condamnation
Le verdict du procès de l’opposant est tombé tard la nuit après près de deux heures de suspension. Un peu après 2 heures 30 minutes, le mardi 07 décembre 2021, la présidente de céans, la magistrate, Christelle Adonon annonce le verdict. Le constitutionnaliste a été reconnu coupable des faits de blanchiment de capitaux et de complot contre la sûreté de l'État.
Il a été condamné à 10 ans d’emprisonnement ferme, de même que les deux autres coaccusés, Ibrahim Bachabi Moudjaïdou et Boni Saré Issiakou. Aïvo est également condamné à une amende de 45 millions francs CFA et 5,7 millions francs CFA pour les deux autres condamnés.
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À l’annonce du verdict, Joël Aïvo n’a pas réagi. « Depuis le 15 avril, j’ai décidé de faire don de ma personne au Bénin. Faites de moi ce que vous voulez », avait-il déclaré lors de sa dernière prise de parole devant les juges de la CRIET.
La décision de la chambre de jugement de la CRIET est devenue définitive, car Aïvo et ses avocats n’ont pas fait appel du verdict. Deux après le jugement, l’opposant reste toujours incarcéré à la prison civile de Cotonou. Une solution politique viendra peut-être un jour le sortir des griffes de la prison civile de Cotonou.
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