La CRIET fait son bilan à l'occasion de sa rentrée judiciaire. Pour la première fois en six ans d'existence, la CRIET a fait sa rentrée judiciaire solennelle ce mercredi 9 octobre 2024. Cette rentrée a réuni plusieurs acteurs du monde judiciaire au Bénin dont le président de la Cour suprême, Victor Adossou Dassi et le ministre de la Justice et de la Législation, Yvon Detchénou. Cette cérémonie a été présidée par le président de la CRIET, le magistrat Édouard Cyriaque Dossa.
Le thème de cette rentrée judiciaire est intitulé : « La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) face aux infractions émergentes : Forces et faiblesses ».
Dans sa réquisition à l'occasion de cette rentrée judiciaire, le procureur spécial près la CRIET, Mario Mètonou a fait le bilan des procédures judiciaires connues par cette juridiction depuis la date de sa création le 2 juillet 2018. Selon le magistrat, 6 358 procédures ont été traitées par la CRIET à la date du 17 septembre 2024. Parmi ces dossiers, 55 dossiers de corruption, 116 procédures de détournement de deniers publics, 35 dossiers de fraude fiscale et 149 procédures de trafic international de drogue à haut risque.
La cybercriminalité est en hausse malgré les poursuites
Le procureur spécial près la CRIET, Mario Mètonou a présenté dans sa réquisition les efforts consentis par la juridiction spéciale pour enrayer cette infraction émergente. « 1956 procédures en lien avec la cybercriminalité ont été traitées par la juridiction. L’on a observé une progression constante du nombre de procédures de cybercriminalité : 347 en 2022, 415 en 2023 et déjà 576 au 17 septembre 2024 ».
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Malgré les efforts judiciaires consentis, la cybercriminalité connaît une hausse au Bénin, mais le procureur relativise : « Cette augmentation du nombre de procédures ne doit cependant pas être interprétée comme un signe d’échec. Elle traduit plutôt une montée en efficacité des services d’enquête et de la CRIET ».
Dans le cadre de la lutte contre les arnaqueurs du web, le magistrat signale que désormais un Centre National d’Investigations Numériques (CNIN) existe au Bénin et qu'il dispose d’une Direction de la Lutte contre la Cybercriminalité ayant des démembrements au nord, au Centre et au sud.
« La répression qui se limitait à Cotonou et environs s’étend ainsi à tout le territoire national. Le CNIN produit des rapports de très grande qualité qui permettent au parquet spécial de soutenir sans difficulté l’accusation et d’obtenir la condamnation des prévenus de cybercriminalité », affirme-t-il.
Pour Mario Elonm Mètonou, « ces progrès se sont traduits par le bond qualitatif du Bénin dans le classement de l’Union International de Télécommunication sur l’indice global de cybersécurité qui fait le constat de ce que notre pays a gagné 92 places ».
Blanchiment de capitaux et détournement de deniers publics
La CRIET a traité 225 procédures relatives à l’infraction de blanchiment de capitaux. « A force de volonté, les officiers de police des unités spécialisées telles de la BEF, l’OCERTID, la DLC et j’en passe, de même que les magistrats de la CRIET ont fini par maîtriser les recommandations du GAFI et la loi uniforme sur le blanchiment des capitaux le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destructions massives. Ils ont appris à détecter tous les mécanismes de blanchiment de capitaux et à contribuer à la répression efficace de l’infraction. Ici, une attention particulière mérite d’être portée sur le recul de deux infractions sous-jacentes du blanchiment des capitaux : il s’agit de la corruption et du détournement de deniers publics », apprend le magistrat.
Sur les trois dernières années, les procédures de détournement de deniers publics ont diminué progressivement passant de 25 en 2022 à 05 en 2023 puis à 03 au 17 septembre 2024.
Des avancées dans la lutte anti-corruption
En 2023, la Cour a traité 13 procédures de corruption contre 07 au 17 septembre 2024. « La corruption est un fléau qui ronge le continent africain dans ses structures, dans ses ressources, dans ses capacités et même dans sa foi à construire l’avenir. Selon le dernier rapport de transparency international, la corruption coûte plus de 148 milliards de dollars par an à notre continent. Le Bénin n’est pas épargné par ce phénomène, mais depuis 2016, des résultats concrets ont été obtenus dans la lutte contre la corruption. Il y a, et ce n’est pas moi qui le dis, un recul sensible de la corruption en République du Bénin », précise le procureur.
Selon le classement 2023 de Transparency international sur l’indice de perception de la corruption hisse le Bénin à la 70ᵉ place sur 180 pays. Le Bénin a grimpé de deux rangs comparativement à l’année 2022, selon le rapport rendu public le 30 janvier 2024. De 2021 à 2023, le Bénin a gagné huit places dans le classement, passant de la 78ᵉ à 70ᵉ place.
« Ces chiffres ne vous disent certainement rien, mais comparé à nos voisins immédiats, c'est une belle avancée. Le Bénin est largement devant son voisin de l’ouest, le Togo qui est à la 126ᵉ place et son voisin de l’est, le Nigéria, qui pointe à la 145ᵉ place. Le Bénin se hisse dans le top 10 des pays les moins corrompus en Afrique », apprend le procureur spécial de la CRIET Mario Mètonou.
Malgré ces progrès, le procureur reste insatisfait
Bien que saluant ces avancées, Mario Mètonou s'est dit insatisfait des résultats obtenus jusqu'à présent. Selon lui, l'objectif doit être d'endiguer totalement les infractions économiques et de hisser le Bénin dans le top 5 des pays les moins corrompus au monde.
« Non, on ne se satisfait pas de ce résultat, mais oui, nous sommes satisfaits de la dynamique qui s'installe. Cette dynamique est impulsée par la CRIET. Cette dynamique, c'est la fin de l'impunité, la fin de l'idée selon laquelle il peut exister au Bénin des hommes au-dessus des lois », a-t-il déclaré.
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Le procureur a ainsi souligné que les poursuites engagées par la CRIET ont concerné aussi bien des « Béninois lambda » que des personnalités occupant de hautes fonctions dans l'administration ou le secteur privé. « Désormais, toute convocation de la Brigade Économique et Financière est source d'insomnie. La dynamique, c'est la peur du gendarme qui gagne les acteurs et avec elle le début de la sagesse », a-t-il conclu.
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