Frontalier du Burkina Faso et du Niger, le nord du Bénin est de plus en plus touché par la progression de l'insurrection djihadiste. Depuis la première attaque terroriste enregistrée en 2019, le nombre d'incidents n'a cessé d'augmenter dans les départements de l'Alibori et de l'Atacora, faisant de nombreuses victimes civiles et militaires. Face à cette menace grandissante, le gouvernement a déployé massivement ses forces armées, mais les attaques se poursuivent.
Pour mieux comprendre les dynamiques à l'œuvre, le Timbuktu Institute, think-tank spécialisé dans l'analyse des conflits en Afrique, a mené une enquête approfondie auprès de 270 jeunes dans trois départements du nord du pays : la Donga, l'Alibori et l'Atacora. Le rapport, intitulé «Au-delà de la criminalité : perceptions juvéniles de la radicalisation et de l'extrémisme violent au Nord du Bénin«, met en évidence des facteurs multidimensionnels façonnant la radicalisation des jeunes, bien au-delà du seul chômage.
Au-delà du chômage, des frustrations sociales et communautaires
«Le chômage n'est pas la seule cause de la radicalisation de certains jeunes qui basculent dans le jihadisme », explique Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute. L'étude souligne en effet d'autres dynamiques clés, à commencer par la porosité des frontières et la faible présence de l'État dans certaines zones reculées du nord.
«La circulation des prédicateurs rigoristes et l'activité d'organisations islamiques soutenues par des pays du Golfe séduisent de nombreux jeunes en quête de reconnaissance sociale », indique le rapport. Ces interprétations très strictes de l'islam trouvent un écho chez des jeunes «laissés pour compte par la société«, confrontés au chômage et aux inégalités.
Au-delà, les tensions communautaires, notamment entre agriculteurs et éleveurs, alimentent aussi un terreau favorable à la radicalisation. «Les conflits fonciers, la stigmatisation identitaire et les frustrations socio-économiques se sont même teintés de considérations religieuses, fragilisant davantage le tissu social », détaille un expert local ayant participé à l'enquête.
La réponse sécuritaire, une approche «disproportionnée« selon les jeunes
Face à cette menace, le gouvernement béninois a opté pour une stratégie principalement sécuritaire, déployant massivement ses forces armées dans le nord du pays. Mais selon les témoignages recueillis auprès des jeunes, cette approche est jugée «disproportionnée » et insuffisante.
«Les autorités centrales privilégient une réponse purement sécuritaire, au détriment d'une véritable politique de prévention de la radicalisation », regrette un expert local cité par le rapport. Car les facteurs favorisant l'endoctrinement des jeunes - frustrations sociales, tensions communautaires, influences religieuses rigoristes - nécessitent des solutions plus globales.
«Les facteurs socio-économiques et les carences des politiques de développement social rendent nombre de jeunes perméables aux discours des groupes terroristes », souligne ainsi l'étude du Timbuktu Institute. Celle-ci appelle donc à «une prise en charge urgente des vulnérabilités » des populations du nord, à travers des programmes ciblant l'emploi, l'éducation et la cohésion sociale.
«L'enjeu majeur est l'amélioration des conditions de vie de ces jeunes. La réponse militaire semble disproportionnée face à un phénomène aux multiples facettes », conclut le rapport, insistant sur la nécessité d'une approche préventive et de long terme.
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