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CRIET : « Ce n'est pas l’ananas pain de sucre du Bénin qui a été contrôlé en France », l’ex-DG ABSSA donne sa version

À la deuxième audience de l’affaire des ananas béninois rappelés des rayons de supermarchés en France, l’ex-DG ABSSA Epiphane Sètondji Hossou a donné lundi 22 juillet 2024 sa version des faits devant les juges de la CRIET. L’ex-patron de l’Agence béninoise de la sécurité sanitaire des aliments remet en cause l’efficacité des tests effectués et affirme que ce ne sont pas les services officiels français qui ont alerté sur les ananas béninois rappelés . Récit d'une nouvelle journée de procès.

Des cultures d'ananas dans un champ. Image d'illustration

Des cultures d'ananas dans un champ. Image d'illustration

Sa version était attendue depuis l’éclatement de cette affaire. C'est désormais chose faite. Début juillet 2024, l’ex-patron de l’ABSSA et un de ses collaborateurs ont été placés en détention provisoire par le parquet spécial de la CRIET pour abus de fonction et fausse attestation. Mais, la juridiction spéciale a poursuivi sans mandat de dépôt l’exportateur des ananas qui ont été retirés des supermarchés en France. Lors d'une première audience lundi 14 juillet 2024, les trois prévenus ont plaidé non coupable et ont rejeté les faits.

 

L’ex-DG donne sa version des faits

 

Un peu après 19 heures ce lundi 22 juillet 2024, la deuxième audience s'est ouverte à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Ce soir là, c'est l’ex-directeur général de l'Agence béninoise de la sécurité sanitaire des aliments (ABSSA) qui dépose en premier à la barre. « Pourquoi la machine de dosage de l'éthéphon est allée en panne et vous n’avez pas réparé », lui lance le président de céans, rapporte l'envoyé spécial de Libre Express.

 

Epiphane Sètondji Hossou, la voix ferme, prend la parole :  « Oui, le laboratoire m'a informé que la machine de dosage de l'éthéphon est tombée en panne ». Le prévenu affirme que cette est survenue au mois de mars 2024. Informé de cette situation, Epiphane Sètondji Hossou a indiqué avoir immédiatement eu une réunion avec celui qui était chargé du laboratoire qui lui a déclaré que c'est la plaquette de cette machine qui a eu de problème. Au niveau du laboratoire, l’ex-DG ABSSA apprend qu'il a été informé qu'il n’existe pas au moment des faits de contrat signé entre le laboratoire et la société qui peut réparer cette plaque, rapporte l'envoyé spécial de Libre Express.

 

Epiphane Sètondji Hossou confie que sa direction a saisi la société qui est capable de réparer la plaquette gâtée de la machine de dosage de l'éthéphon afin qu'elle répare la machine. Mais, cette société a informé l’ABSSA qu'elle ne peut se permettre de réparer cette plaquette en raison qu'il n’existe pas de contrat signé dans le cadre de l’exécution d'un marché public. « La plaquette qui est gâtée dans l’équipement n'est pas quelque chose que l’on trouve sur le marché. L’équipement n'est disponible que chez la société qui a produit la machine », apprend-il.

 

Par la suite, l’ex-DG ABSSA affirme avoir réuni son équipe composée notamment du Daf pour voir ce qu'il fallait faire. Il déclare que le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a été saisi pour le financement. Finalement, une dame a été saisie pour la commande de la plaquette gâtée. Cette dernière a affirmé que c'est son mari qui vend la plaquette et qu'il se trouve dans l’Union européenne. Auprès de ce couple, l'ex-DG ABSSA apprend qu'une commande de deux plaquettes de la machine de dosage de l'éthéphon a été effectuée le 14 mai 2024 et le 17 juin 2024 l’équipement a été remis en service.

 

Pendant que la machine est en panne, l'ex-DG ABSSA affirme que l’exportation de l’ananas pain de sucre vers la France et les pays de l’Union européenne n'a pas été suspendue. Il déclare que quatre mesures ont été mises en place à cet effet par sa direction. La première consiste à faire respecter les doses d'étrennes par les producteurs de l’ananas. À ce niveau, Epiphane Sètondji Hossou explique à la Cour que ce sont les contrôleurs de la Direction départementale de l’Atlantique du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche qui s'en occupent.

 

Selon sa déposition, la deuxième mesure consiste à faire laver les ananas dans trois différentes eaux. La troisième mesure est de faire l’étrennage des ananas et la quatrième mesure est qu'il est demandé aux clients des ananas de procéder au contrôle du dosage de l'éthéphon.

 

« Ce résultat, je le contexte »

 

A l’origine de la poursuite de de l'ex-DG et de ses deux co-prévenus, le rappel en juin 2024 des ananas fruits du Bénin des rayons de supermarchés en France pour des raisons de "contamination chimique" ou de "concentration élevée de résidus de pesticides". Plus précisément, 250 cartons équivalant à 3,35 tonnes sont concernés.’. Les résultats du contrôle de ces ananas en France par le client ont révélé une teneur de résidu d'éthéphon de 5,9 mg/kg contre la norme de 2 mg /kg. Un produit qui est utilisé pour le jaunissement de la peau de l'ananas.

 

Interrogé sur le dosage élevé de l’éthéphon dans la cargaison d'ananas incriminés, Epiphane Sètondji Hossou déclare avoir été surpris par ces résultats de tests. Car, a-t-il expliqué, l’ananas a été contrôlé à son arrivée à l’aéroport en France le 1er juin 2024 par la Direction générale de l’alimentation, une institution française. Cette direction n'a pas trouvé d’objection quant à la qualité des ananas incriminés et l’a laissé entrer sur le territoire français. C'est plus tard que le client Manco qui a acheté les produits a déclaré avoir fait l'analyse de l’éthéphon. Ceci, au-delà de dix jours soit le 11 juin 2024 alors que le délai réglementaire est de 8 jours pour le contrôle. « Ce résultat, je le conteste. Ce client, je suis sûr que ce n'est pas l’ananas pain de sucre du Bénin qui a été analysé », a-t-il déclaré.

 

L’ex-DG apprendra à la cour qu'il est dans le contrôle sanitaire des aliments depuis plus de 20 ans et que ce n'est pas la première fois que des choses similaires arrivent. Il affirme que par le passé des faits similaires se sont produits avec les crevettes du Bénin exportées en France. Mais, il s'est révélé que ce n'étaient pas les crevettes béninoises qui ont été analysées et que ce sont des crevettes du Vietnam dans lesquelles des produits chimiques ont été retrouvés qui ont été attribuées au Bénin. À l’époque, il apprend que le Bénin ne faisait pas d’élevage de crevettes et que ce sont les Vietnamiens qui le faisaient à l’aide de produits chimiques.

 

Des analyses de l’éthéphon réalisées sans contre-expertise

 

L’ex-DG ABSSA affirme qu'il était en  voyage en Chine quand l’information est tombée comme un couperet. Après les publications dans la presse, l’ex-DG ABSSA affirme avoir été rappelé d’urgence de la Chine pour le Bénin. Au même moment, Epiphane Sètondji Hossou confie avoir immédiatement saisi par courrier la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de France qui lui a indiqué que c'est un client qui a effectué les tests. Il déclare avoir saisi le client Manco pour une contre expertise mais ce dernier leur a notifié que la cargaison d'ananas incriminés était déjà détruite. « Je plaide non coupable. Un client qui sort de nulle part, qui fait ce contrôle et emballe tout le monde. Je ne suis pas sûr que c'est la cargaison d'ananas qui a quitté le Bénin qui a été analysée », a-t-il déclaré.

 

À son retour en urgence au Bénin, Epiphane Sètondji Hossou confie que personne n’a voulu l’écouter au sein de sa hiérarchie et qu'il lui a été ordonné d'aller répondre des faits devant la Brigade économique et financière (BEF). Selon l’ex-DG de l’ABSSA, l’éthéphon ce serait déjà volatilisé des ananas incriminés si le client a fait l’analyse au dixième jour. Il signale au juge que la Direction générale de l'alimentation de France aurait déjà alerté ces services si cette cargaison d'ananas avait des problèmes après son contrôle à l’aéroport. Epiphane Sètondji Hossou précise qu'aucune structure officielle ne l’a saisi et que des fois les structures de l’Union européenne les alertent en cas de dose élevée de l'éthéphon. Il révèle à la cour que l’éthéphon est destiné aux jaunissements et est uniquement utilisé pour les ananas à destination de l’Union européenne. « C'est l’Union européenne qui a imposé son utilisation », a-t-il renchéri.

 

L’exportateur d'ananas et le collaborateur de l’ex-DG auditionnés

 

Après l'ex-DG ABSSA, c'est son collaborateur qui a été entendu. L’homme déposé en prison début juillet 2024 était chargé au niveau de l’aéroport de Cotonou de contrôler la cargaison d'ananas avant exportation. À la barre, il explique que son rôle était de contrôler les certificats notamment ceux d’étrelage, de conditionnement et la lettre de transport aérien des ananas.

 

Le collaborateur Akodewanou précise qu'il procède dans sa mission au contrôle physique des ananas béninois destinés à l’exportation notamment les cartons, les logos des exportateurs. Il apprend qu'il vérifie aussi s'il n'y a pas d’insectes dans les ananas et qu'il procède au contrôle technique par scannage des ananas avant exportation.

 

À sa suite, l'exportateur Doltaire Réné a été entendu par la Cour. L’exportateur d'ananas affirme qu'après le rejet, le supermarché lui a fait payer deux millions FCFA en titre de remboursement pour les ananas incriminés. Il affirme que selon les informations qui lui ont été envoyés les prélèvements sur les ananas ont été faits le 11 juin 2024, les analyses et résultats le 14 juin et que le résultat ne lui a été communiqué que le 17 juin 2024., rapporte l'envoyé spécial de Libre Express.

 

Demande de Liberté provisoire pour l’ex-DG ABSSA

 

Après les débats, les avocats chargés de la défense de Epiphane Sètondji Hossou ont indiqué à la cour qu'il n'y avait pas de raisons de continuer à garder leur client en détention provisoire. Ils ont introduit une demande de remise en liberté provisoire.

 

À cette demande, le ministère public représenté par Armand Donald Reagan Hounguè, le premier substitut du procureur spécial de la CRIET, a proposé un rejet et a demandé à la cour de renvoyer le dossier à une date proche. Le juge a finalement renvoyé le dossier au lundi 5 août 2024 pour convoquer le directeur de la production végétale du ministère de l'agriculture et pour délibération sur la demande de remise en liberté provisoire.

 

Dans ce dossier, la défense de l’ex-directeur général de l’ABSSA Epiphane Sètondji est assurée par les avocats : Me Raymond Gbessemehlan et Me Omer Sylvain Tchiakpè. Quant à l’exportateur d’ananas, l’avocat Bachar Liamidi assure sa défense, rapporte l'envoyé spécial de Libre Express

 

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