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CRIET : en prison dans une affaire de parcelles, le 2ème adjoint au maire de Porto-Novo donne sa version des faits

La deuxième audience dans le procès du 2ème adjoint au maire de Porto-Novo, Alin Tozo, s'est ouverte le jeudi 20 juin 2024 devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). C'est le tour de ce responsable de la capitale administrative du Bénin de donner sa version des faits.

Entrée de la mairie de Porto-Novo

Entrée de la mairie de Porto-Novo

L’incarcération du deuxième adjoint au maire de Porto-Novo dans un dossier de parcelles a fait écho dans la presse béninoise. Jeudi 20 juin 2024, Alin Tozo, 2ème adjoint au maire de Porto-Novo a comparu une seconde fois à la CRIET. À ses côtés, trois prévenus placés sous mandat de dépôt le 8 mai 2024 par le parquet spécial comparaissent. Il s'agit des nommés Smith Patrick Césaire Agossou, ex-collaborateur de l’ex-chef service affaires domaniales de Porto-Novo; Hugues Faihun, ex-chef service affaires domaniales de la ville et le nommé Jean Sèssou. Depuis l’ouverture du procès le jeudi 13 juin 2024.

 

Une femme au nom de Zounmènou Fifamè Marcelline est également poursuivie sans mandat de dépôt dans ce dossier. La justice reproche à cette dame d'avoir bénéficié de plusieurs parcelles de la part du nommé Hugues Faihun. Ces parcelles lui auraient été attribuées par l’ex-CSAD Hugues Faihun avec qui elle entretient une relation amoureuse.

 

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Dans ce dossier, la mairie de Porto-Novo ainsi que les nommés Enonhèdo Frédéric et Célestin Hounkanrin sont des plaignants. Les charges retenues contre le deuxième adjoint au maire et ses co-prévenus sont : abus de fonction et complicité d'abus de fonction. Ils ont tous plaidé non coupable des faits mis à leur charge par le parquet spécial de la CRIET.

 

Les faits qui leur sont reprochés portent sur l’établissement de faux documents à deux parcelles par la mairie alors que le deuxième adjoint au maire était appelé à superviser les activités d’un comité mis en place par le maire Charlemagne Yankoty en 2020 et chargé de liquider les affaires domaniales laissées par la mandature précédente. Ces documents ont été établis en violation des règles et en contrepartie d’une somme de six-cents (600 000 FCFA) remise par l'un prévenu Jean Sèssou, rapporte l'envoyé spécial de Libre Express.

 

L’actuel CSAD de la mairie entendu par le juge

 

Dans ce dossier, l’actuel Chef service des affaires domaniales (CSAD) de la mairie de Porto-Novo, Josué Ogoubiyi a été entendu par le juge lors de l’audience du jeudi 13 juin 2024. Ce dernier n'est pas poursuivi dans le dossier. Convoqué à la barre, le CSAD raconte que tout a commencé en 2020 quelques mois après l’installation d'un nouveau conseil municipal à la tête de la ville de Porto-Novo. À cette époque, il était à l’époque chef service des affaires juridiques de la mairie avec pour mission de veiller au respect des normes en matière de parcelles et de lutter contre les faux documents en parcelles au niveau de Porto-Novo. 

 

« En 2020, alors que j’étais chef service des affaires juridiques de la Mairie de Porto-Novo, le maire nous avaient désigné, le Président de la Commission Permanente des Affaires Domaniales (PCPAD) monsieur TIDJANI Falilou et moi afin d’aider le 2ème Adjoint au maire, Alin Tozo, délégataire des affaires domaniales pour le contrôle des centaines de dossiers d’affirmations de d’attestations de recasement déposés par les usagers et qui n’avaient pas été étudié par la mandature précédente. », explique-t'il.

 

Selon Josué Ogoubiyi, le principe retenu ensemble avec le deuxième adjoint au maire Alin Tozo était que le président de la commission permanente des affaires domaniales Falilou Tidjani et lui posent leur paraphe sur les dossiers qui remplissent les conditions et fassent des observations sur ceux qui ne vont pas remplir les conditions. « Pour les dossiers qui ne remplissent pas les conditions pour être signés, il fallait inviter les présumés propriétaires et leur signifier les observations afin qu’ils se mettent en règle dans la mesure du possible », renseigne-t’il.

 

Mais, le CSAD confie que lors de l’étude de deux dossiers, ils ont constaté des irrégularités dans les documents. « Nous avions alors commencé par travailler et c’est ainsi que plusieurs dossiers en règle ont reçu notre accord et ont été signés par le 2ème Adjoint. Dans le même temps, plusieurs dossiers sont rejetés dans la foulée, dont deux au nom des présumés propriétaires ENONHEDO Frédéric et ZIVON. Les deux dossiers présentaient les mêmes observations au rejet puisqu’ils avaient un fond commun », déclare le CSAD devant le juge.

 

Il apprend à la cour que des informations parcellaires non conformes au répertoire de la mairie ont été découvertes sur les documents. Ainsi, d’autres irrégularités telles que l’absence de la page de lot mentionnée sur la compulsion délivrée en 2018 ; l’absence de certification du cabinet géomètre et des documents composants des dossiers douteux.  Josué Ogoubiyi affirme qu'ils ont alors fait appel aux présumés propriétaires et vendeurs mis en cause dans les deux dossiers. L’acquéreur ZIVON a retiré son dossier et la vendeuse,  ZOUMENOU Fifamè Marcelline, aujourd'hui poursuivie sans mandat de dépôt, a reconnu avoir revendu la parcelle qu'elle avait achetée. Selon le CSAD, la commission n’ayant pas trouvée pertinente les réponses données a maintenu son veto sur les dossiers.

 

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Le chef service, Josué Ogoubiyi a déclaré à la Cour que le président de la Commission permanente des affaires domaniales et lui ont donné un avis défavorable sur les deux dossiers et ils ont rendu compte au deuxième adjoint au maire de Porto-Novo Alin Tozo.

“Au cours d’une autre séance d’étude de dossiers, le deuxième adjoint au maire Alin Tozo, après une absence de quelques minutes de son bureau, ramena une enveloppe contenant une somme de six cent mille (600.000) FCFA et nous informa que monsieur SESSOU Jean, l’un des témoins sur la convention de vente entre madame ZOUMENOU F. Marcelline et ENONHEDO Frédéric  par cet argent, sollicite notre accord pour valider les deux dossiers”, confie-t-il à la CRIET.

 

Le nommé Josué Ogoubiyi a affirmé que lui et le président de la Commission permanente des affaires domaniales Falilou Tidjani ont immédiatement opposé une fin de non-recevoir. « C’est alors que Monsieur TOZO Alin nous demanda ce qu’il allait fait de l’argent ? nous lui avions demandé de le retourné à qui de droit, ce qu’il a accepté de faire et m’a demandé de bien vouloir garder les sous en attendant de revoir ce dernier puisqu’il était parti et vu que son bureau n’était pas en sécurité, il ne pouvait prendre le risque de les garder dedans étant donné qu’il partage sa clé avec un autre collaborateur à lui”, a-t-il déclaré.

 

Le CSAD Josué Ogoubiyi affirme avoir pris l’argent sur insistance du deuxième adjoint et s'être rendu aussitôt après la réunion dans le bureau du maire Charlemagne Yankoty pour lui signaler les pressions qu'il a commencées par recevoir lors de l’étude des dossiers de parcelles. Suite à ce signalement, il confie que le maire Charlemagne Yankoty a demandé que les sous soient retournés au deuxième adjoint au maire. Il déclare qu'il a ensuite retourné le lendemain l’argent au deuxième adjoint au maire. Par la suite, le CSAD affirme que face au refus d'être corrompu le deuxième adjoint au maire leur a fermé les portes de son bureau à lui et au président de la commission permanente des affaires domaniales Tidjani Falilou en les qualifiant de “jeunes voyous”. Après cet épisode, le CSAD déclare à la Cour que le deuxième adjoint au maire de Porto-Novo Alin Tozo a continué à étudier seul les dossiers de parcelles en compagnie de l’ex-CSAD Hugues Faihun.

 

Josué Ogoubiyi expliquera aussi qu 'en mai 2024, il a reçu un appel du commissariat central qui l’informe d’un soit transmis de la Cour de Répression des Infractions économiques et du terrorisme (CRIET ) et dans lequel il devrait être auditionné. « Lors de mon audition, j’apprends qu’une somme d’un million de franc avait été remise par le sieur SESSOU Jean de la part du sieur Hugues FAIHUN, ancien Chef Service des Affaires Domaniales au 2ème adjoint au maire pour la signature d’un dossier. J’ai répondu par la négation tout en affirmant qu’au lieu d’un million, j’ai plutôt connaissance de six cent mille (600.000) francs. Ceci après avoir narré les faits”, a-t-il déclaré. Mais depuis le début du procès Hugues Faihun n'a jamais été entendu sur ces faits car n'ayant pas été extrait de sa cellule lors des deux audiences dans le dossier.

 

La bénéficiaire des faux documents et le deuxième adjoint au maire déposent

 

Jeudi 20 juin 2024, la deuxième audience qui s'est ouverte dans le dossier a permis d’écouter Zounmènou Fifamè Marcelline, la bénéficiaire des parcelles issues des faux documents et le deuxième adjoint au maire Alin Tozo. À la barre, la bénéficiaire des parcelles obtenues avec l’aide des faux documents a déclaré à la Cour qu'elle est étrangère à la commission des infractions. Elle a déclaré être illettrée et avoir bénéficié de ces parcelles qui ont été revendues sans qu'elle ne sache, rapporte l’envoyé spécial de Libre Express.

 

À la suite, le deuxième adjoint au maire a donné sa version des faits. Sa ligne de défense est bien choisie : il ne reconnaît pas les faits. « C'est moi-même qui ai formé mon propre comité », a-t-il répondu lorsque le juge l’interroge sur comment le comité mis en place par le maire Charlemagne Yankoty et chargé de vider les affaires domaniales laissées par la mandature précédente a été formé. Cet administrateur du trésor avant sa nomination en tant que 2ème adjoint au maire de Porto-Novo a indiqué ensuite que ce comité est informel. Il a déclaré que ce comité composé de trois membres dont Josué Ogoubiyi, Falilou Tidjani et Ingrid Saïzonou lui ont fait signer plusieurs documents de parcelles certifiés conformes et  qui étaient des faux. En raison de ces faux actes, il affirme avoir dissous ce comité informel que lui-même a mis en place. Il a confirmé que l’enveloppe de 600 000 FCFA lui a été retournée par le CSAD.

 

Mais pourquoi a-t-il affirmé les deux dossiers de parcelles ayant conduit à son incarcération malgré l’avis défavorable des membres de ce comité ? Il a répondu au juge qu'il ne faisait plus confiance aux travaux de ce comité et que c'est pourquoi il a préféré affirmer les parcelles. Il déclare n'avoir reçu aucun franc notamment dans le dossier des Enonhèdo Frédéric. Sur les accusations d’enveloppe de 600 000 FCFA reçue, le deuxième adjoint au maire de Porto-Novo confie que l’enveloppe lui a été remise par un conseiller local nommé Tintin pour remettre aux membres de la commission. Il précise que ce n'est pas Jean Sèssou qui lui a remis l'enveloppe.  À la fin de l’audience du jeudi 20 juin 2024, le juge a demandé au deuxième adjoint au maire de Porto-Novo qu'à l’égard des dépositions du CSAD Josué Ogoubiyi, il n'a pas lui-même remarqué qu'il a fait du faux. Il a répondu que c'est arrivé devant la Cour qu'il a compris beaucoup de choses dans le dossier et qu'il ne savait pas qu'il y a du faux dans les dossiers.

 

À la barre, le prévenu Jean Sèssou a déclaré que c'est Hugues Faihun, l'ex-CSAD qui lui a remis une enveloppe d'un million FCFA qu'il a remis au deuxième adjoint au maire. L’audience a été renvoyée au jeudi 18 juillet 2024 pour continuation et pour faire extraire Hugues Faihun, rapporte l'envoyé spécial de Libre Express à la CRIET.

 

 

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