C’est désormais une réalité. Le parti d’opposition Les Démocrates participera aux prochaines élections législatives. C’est sa première participation depuis l’avènement du régime de Patrice Talon en 2016. Interviewé par RFI, le politologue Expédit Ologoun estime qu’un réflexe est peut-être en train d'être retrouvé. Voici l’intégralité de son interview en 08 questions.
Mardi, la liste des candidats du parti les démocrates a été invalidée par la commission électorale. Mais hier, elle a été repêchée par la Cour constitutionnelle. Est-ce que vous êtes surpris ?
Non, pas vraiment du point de vue juridique. Je ne suis pas surpris parce que, du point de vue du droit, les démocrates pourraient avoir raison. La Direction générale des impôts n'a pas délivré les quitus fiscaux à un certain membre de ce parti dans les délais fixés par le code électoral. Et on pouvait donc logiquement s'attendre à ce que la responsabilité du non-dépôt à temps des listes du parti soit imputée à la direction générale des impôts. Mais un peu surpris d'un autre côté, parce que ces dernières années, certaines institutions de l'État nous ont habitué à ne pas être imprévisibles, de telle sorte que beaucoup de citoyens avaient pu penser que la Cour ne permettrait pas au parti les Démocrates d'être présents à cette élection. Vu que c'est un parti de l'opposition.
Est-ce à dire qu'avec le nouveau président de la Cour constitutionnelle, le magistrat Razaki Amouda Issifou et bien cette Cour a reconquis une certaine indépendance ?
Il est trop tôt de le dire. Il faut peut-être considérer l'ensemble des développements politiques depuis la dernière crise électorale et considérer que les discussions informelles entre les acteurs principaux du pays, les mobilisations de la société civile et d'autres acteurs ont pu contribuer à une sorte de dégel progressif. Et comme le droit est le porte-parole intelligent des discussions ou des décisions qui se prennent ailleurs, on peut bien comprendre qu'aujourd'hui le juge constitutionnel soit aussi au diapason de ce type de discussion, menée ailleurs, pour une situation plus apaisée dans le pays.
Est-ce qu'on retrouve la Cour constitutionnelle jalouse de ses prérogatives comme au temps de Robert Dossou?
Il faut attendre un peu. Le président actuel de la Cour vient juste de s'installer. Il faut plusieurs épreuves dont celle par exemple des résultats à venir, de l'élection, de cette élection pour voir si, effectivement, si c'est une indépendance retrouvée. Mais avec ce premier acte, on peut peut-être espérer que les choses vont aller de mieux en mieux.
Alors c'est la première fois depuis mars 2016 que l'opposition va être présente à des élections nationales. Ce sera le 8 janvier prochain aux législatives. Est-ce qu'on peut parler d'une décrispation politique ?
Oui, ç'a tout l'air. La simple participation du parti le plus important de l'opposition à ces élections à venir est déjà le signe d'une décrispation politique. D'ailleurs, lorsque la nouvelle a été répandue, qui pourrait ne pas être présent à ces élections, les commentaires dans le pays tendaient déjà à montrer une sorte de désespérance. J'ai même eu un citoyen, pas des moindres qui m'a dit qu'il a juste envie de quitter un moment le travail pour s'apaiser, parce qu'il craignait pour la suite. Donc la présence des démocrates aux élections législatives, c'est aussi une sorte d'inclusion nationale.
Est-ce une décision qui fait honneur à votre pays ?
Oui, bien sûr. Au Bénin, la tradition électorale depuis 90 au moins, c'est la fête électorale. Les élections jusqu'en 2016 n'étaient pas des moments de crainte. C'étaient plutôt des moments de joute oratoire, de fête, de convivialité. Et depuis quelques élections, cela est un tout petit peu perdu et donc ce retour de la plupart des partis politiques à la bataille, à la compétition électorale, est un signe de l'honneur retrouvé et du bonheur aussi retrouvé. On peut s'en réjouir, si tant est que cela permette d'éviter les crises violentes que nous avons connues il y a quelques moments.
Au début de cette semaine, les dirigeants des démocrates espéraient que cette question de leur participation aux législatives pourrait faire l'objet d'un compromis politique. Est-ce que vous pensez que c'est justement ce qui s'est passé ? Un compromis ?
Il est fort possible qu'il en soit ainsi. Je pense que l'actualité sécuritaire du pays et l'envie partagée des différents acteurs à aller à une sorte de paix générale dans le pays, tout cela peut avoir contribué à obtenir ce compromis politique. C'est peut-être un réflexe qui est en train d'être retrouvé. Un réflexe qui a été insufflé, on va dire par la Conférence nationale, la discussion, le principe du dialogue malgré les divergences, pour que l'essentiel, la paix et la démocratie et le développement soit sauvegardé.
Le grand patron du parti les démocrates, c'est l'ancien président Boni Yayi. Or celui-ci a été reçu deux fois par l'actuel président Patrice Talon, en septembre 2021 et en juin dernier. Est-ce que le compromis d'hier est le fruit de ces deux rencontres ?
Oui, il est possible de le penser en raison des rapprochements entre ces deux amis d'hier, devenus ennemis un moment et en situation d'amitié au moins apparente à nouveau. De toutes les manières, tout le monde a pu constater au Bénin que l'issue des différentes crises électorales et politiques de ces dernières années dépendaient essentiellement de la résolution de l'inimitié entre ces deux acteurs politiques. Et au fur et à mesure qu'il y a un rapprochement entre les deux, on peut tirer la conclusion qu'il y aura une sorte de décrispation et d'apaisement du point de vue politique. De toutes les manières, ce sont deux acteurs aux légitimités à la fois sociales et politiques très fortes dans le pays. Et il ne faut pas l'oublier.
Après la rencontre, Talon Boni Yayi de juin dernier, on se souvient que 17 opposants qui étaient poursuivis pour atteinte à la sûreté de l'État ont été relâchés. Est-ce que l'opposition peut espérer aujourd'hui la libération de Reckya Madougou et de Joël Aïvo?
Oui, tout est toujours possible en politique, à partir du moment où les acteurs politiques auront trouvé un compromis, le reste se fera. Le droit n'est qu'un porte-parole intelligent des décisions politiques et religieuses ou autres. Donc en fonction même des résultats des législatives à venir, la libération de Monsieur Aïvo et de Madame Madougou pourrait devenir un enjeu à la fois politique et je dirai même un enjeu pour l'avenir. Parce que les rapports de force à l'Assemblée nationale peuvent énormément compter dans les négociations, dans la libération de ces deux acteurs. Donc l'issue des élections législatives de 2023 est aussi un moyen qui pourrait contribuer et qui pourrait aller dans le sens de la libération de ces deux personnalités.
Interview réalisée par RFI
Transcription : Libre Express
Commentaires
Bienvenu OLAYE
Mr OLOGOU, toujours vigilant et analytique, pointu, précis, pratique et pertinent. Longue vie à lui. Vive le Bénin !
18-11-22 à 09:57
Léonce Dieuval
J'admire ce monsieur
18-11-22 à 11:49
Patrick HESSOU
Je partage le même point de vue que le grand homme Ologou Expedit. Vivement que ce soit une réelle decrispation. Que les bénédictions soient.
18-11-22 à 10:23
DIDJO Isséré John
C'est trop cool les réponses du monsieur espedit ologou. C'est un grand homme que j'admire beaucoup
18-11-22 à 08:24
DIDJO Isséré John
C'est trop cool les réponses du monsieur espedit ologou. C'est un grand homme que j'admire beaucoup
18-11-22 à 08:24